Le Gwoka : la musique traditionnelle de Guadeloupe !
Le Gwoka, musique traditionnelle de Guadeloupe, est un élément important de notre culture. Il est présent à la fois lors d’événements festifs, mais aussi lors de rassemblements du quotidien.
Les 40 jours de Carême passés, c’est donc la reprise des léwòz sur toute l’île.
Gwo Ka Mizik an nou
Origines : une tradition héritée de l'esclavage
Née durant la période de l’esclavage, dans les plantations, malgré les interdictions, le Gwoka, est un moyen d’évasion, d’expression et de communication. L’instrument, le Ka, est fabriqué avec un tonneau, sur lequel on tend une peau de cabri à l’aide d’un système de cordage.
Le boula est au cœur de la musique Gwoka, c’est le tambour principal qui donne le rythme, tandis que le makè l’accompagne en improvisant.
Né dans les champs de canne à sucre au temps de l’esclavage, le gwoka est bien plus qu’une simple forme d’expression artistique : c’est un langage de résistance, de cohésion et de mémoire. Il s’est transmis oralement, dans les veillées, les champs et les moments de repos volés à la dureté du quotidien.
Les esclavisés, privés de leur langue, de leurs rites et de leur liberté, ont fait du tambour un moyen de recréer des liens, d’exprimer la douleur autant que l’espoir, et de préserver une identité que l’on cherchait à effacer. Le gwoka est alors devenu un refuge sonore et corporel, une manière de tenir debout face à l’oppression.
Après l’abolition, cette pratique a perduré, ancrée dans les campagnes guadeloupéennes, notamment dans le Nord Grande-Terre, où les rassemblements autour du tambour (léwoz) se sont transmis de génération en génération. Le gwoka a ainsi évolué avec le peuple guadeloupéen, accompagnant ses luttes, ses joies, ses deuils et ses revendications identitaires.
Gwoka toupatou, la musique gwoka est partout
La musique Gwoka se retrouve dans plusieurs contextes du quotidien. Les tambours sont souvent accompagnés de chants et de danses et d'autres instruments comme la konk a lanbi ou le chacha.
Le tambour ka, pilier du gwoka
Au cœur de cette musique se trouve le tambour ka, fabriqué à partir d’un tronc de bois (souvent en bwa kannon ou en mahogany) creusé et recouvert d’une peau de cabri séchée. Il existe deux types de tambours principaux :
- Le boula : il assure un rythme de fond régulier et stable.
- Le maké : tambour soliste, il improvise et répond à la danse, ajoutant toute la richesse expressive du gwoka.
Les instruments d’accompagnement
Autour des tambours, plusieurs instruments traditionnels enrichissent le son :
- Le ti-bwa : deux baguettes frappées sur un bambou posé à l’horizontale, souvent utilisé comme base rythmique.
- Les chachas : des maracas fabriquées en calebasse ou en métal, utilisées pour souligner les temps forts.
- Les voix : un ou plusieurs chantè (chanteurs) improvisent des paroles en créole, généralement reprises en chœurs par les participants.
Les 7 rythmes traditionnels
Le gwoka repose sur sept rythmes fondamentaux, chacun associé à une ambiance, un état d’esprit ou un moment particulier :
- Léwoz : rythme le plus emblématique, souvent associé à la résistance.
- Kaladja : chargé d’émotion, il évoque la souffrance ou l’introspection.
- Toumblack : rythme très rapide et énergique, souvent utilisé en danse acrobatique.
- Padjanbel : traditionnellement lié aux travaux agricoles.
- Woulé : plus lent, il appelle à la fluidité du mouvement.
- Graj : souvent utilisé dans les chants et récits.
- Mendé : rythmique proche de celle du continent africain.
Chaque rythme invite à un dialogue entre le tambour, le chant et la danse, dans une expression profondément ancrée dans le corps et l’instant présent.
Danser le Gwoka : entre liberté et enracinement
Une danse sans règles figées
Danser le gwoka, ce n’est pas suivre une chorégraphie stricte, mais s’exprimer librement. Chaque geste, chaque mouvement du corps naît d’une relation directe avec le rythme des tambours. C’est une improvisation vivante, guidée par l’émotion et l’énergie du moment. Les danseurs répondent au maké, tambour soliste, dans une forme de dialogue intense et organique.
L’ancrage au sol, une symbolique forte
Le gwoka se danse pieds nus, en contact direct avec la terre. Cet enracinement est hautement symbolique : il relie le corps à l’histoire, à la mémoire, aux ancêtres. Les pas martèlent le sol comme pour faire résonner les luttes passées, les souffrances et les espoirs des esclaves d’hier.
Une liberté qui rassemble
Chaque danseur, quel que soit son âge ou son niveau, trouve sa place dans la ronde gwoka. La danse devient alors un langage corporel partagé, un espace de liberté et de transmission, souvent transmis de manière informelle dans les léwoz, les veillées, ou les événements communautaires.
Léwòz : un rendez-vous populaire et spirituel
L’événement le plus représentatif du goka est le léwòz. Il débute par l’annonce du son de la konk a lanbi et du ka. Les spectateurs se regroupent, créant ainsi le lawonn (cercle), espace d’expression des danseurs. Durant toute la soirée, musiciens et chanteurs entonnent des chants sur la vie quotidienne et les émotions, le travail aux champs de canne, les injustices, ou la perte d’un être cher et le public ou les musiciens, les répondè, répondent au chant.
L’improvisation tient une grande place, chacun peut s’exprimer et se laisser aller au rythme du makè et des 7 principaux rythmes du gwoka: le woulé, le graj, le kaladja, le menndé, le toumblak, le padjanbèl et le léwòz. Chacun ayant une signification et renvoyant à une émotion.
Une veillée festive et sacrée
Le léwoz est bien plus qu’un simple événement musical. C’est une véritable cérémonie populaire, ancrée dans la tradition guadeloupéenne. Organisé en soirée, souvent en plein air ou dans les bourgs, le léwoz réunit tambouyés, danseurs, chanteurs et curieux dans une ambiance vibrante et fraternelle. Chacun peut s’y exprimer, sans hiérarchie ni costume, au rythme puissant des tambours. Soirée de célébration, qui se déroule traditionnellement le vendredi soir et se poursuit jusqu’au petit matin.
Une scène ouverte à tous
Au centre du cercle formé par les spectateurs, les danseurs entrent un par un, souvent appelés par le tambour soliste (le maké). Le public participe activement, en chantant, en frappant dans les mains, en encourageant les danseurs. Cette dimension participative fait du léwoz un événement communautaire fort, où la transmission des savoirs se fait naturellement.
Un acte de résistance et de fierté
Autrefois interdit par les autorités coloniales, le léwoz fut longtemps un espace de résistance culturelle. Aujourd’hui encore, il incarne l’identité afro-guadeloupéenne dans toute sa force : joie, rage, spiritualité, mémoire et avenir s’y croisent dans un même mouvement. Participer à un léwoz, c’est ressentir le pouls vivant d’un peuple qui n’a jamais cessé de danser.
Une présence vivante dans les manifestations et veillées
Manifestations
Traditionnellement, lors des mouvements de grève, le ka accompagne souvent les manifestations. Comme pour renforcer les revendications et garder les troupes soudées.
Veillée
Le gwoka est aussi présent lors des rassemblements de familles aux veillées mortuaires. Initialement, il n’y a pas de tambour. La musique est jouée vocalement par des onomatopées, appelées boulagel. C’est Robert Loyson, dans les années 60, qui introduit le ka dans les veillées.
Les grands noms du Gwo Ka
Les principales régions du gwoka étaient, les régions cannières du Nord Basse-Terre et de la Grande-Terre.
De nombreux musiciens, chanteurs sont considérés comme étant les meilleurs, des maîtres ka, tels Carnot (Goyave), Henri Délos (Sainte-Rose), Vélo, Robert Loyson (le Moule) ou encore Sopta (Sainte-Rose), D’autres se distingue grâce au renouveau qu’ils apportent dans leur pratique, et à leur fort esprit de transmission; Guy Conquet (Baie-Mahault), Chaben (Port-Louis), Tètèche (Petit-Canal) ou encore Jacky Jalem (Port-Louis).
La musique Gwoka, entrée au patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO en 2014, reste très présente dans le quotidien des Guadeloupéens. Grâce au travail du groupe Akiyo, de Léna Blou, danseuse, chorégraphe et anthropologue de la danse, ou de bien d’autres, elle ne cesse d'évoluer et continue de s’exporter au-delà de nos frontières.
Où découvrir le Gwoka dans le Nord de la Guadeloupe ?
Le Nord de la Guadeloupe, avec ses bourgs authentiques et sa vie culturelle foisonnante, est un terrain fertile pour vivre l’expérience du Gwoka dans toute sa richesse. Voici quelques lieux et rendez-vous incontournables où vous pourrez écouter, voir et ressentir cette musique emblématique.
Les Léwoz du vendredi soir
À Petit-Canal, Port-Louis ou encore Anse-Bertrand, les Léwoz s’organisent régulièrement en soirée, sur des places de village, dans des cours ou des espaces associatifs. On y retrouve les tambouyés (joueurs de tambour), les kantè (chanteurs) et les danseurs, dans une ambiance conviviale et ouverte à tous. N’hésitez pas à vous joindre à la ronde !
Les événements annuels
Le mois de mai, période de la commémoration de l’abolition de l’esclavage, est un moment fort pour découvrir le Gwoka dans un cadre mémoriel. Des spectacles, des Léwoz, et des prestations de groupes traditionnels rythment les journées, notamment à Petit-Canal ou Morne-à-l’Eau.
Les écoles de musique et stages
Certains centres culturels ou écoles de musique dans le Nord Grande-Terre proposent des stages ponctuels ou des formations longues pour apprendre les bases du Gwoka, que ce soit le tambour, la danse ou le chant.
Vivre le Gwoka, c’est ressentir l’âme de la Guadeloupe. Des Léwoz populaires aux veillées intimes, des cours de danse aux grandes scènes des festivals, chaque battement de tambour raconte une histoire de lutte, de résilience et de joie partagée.
En parcourant les communes du Nord Grande-Terre, vous découvrirez une culture vivante, transmise avec fierté par les habitants.
Pour en savoir plus, consultez l’agenda du Nord Guadeloupe, ou visitez le site de Duval, où se trouve l’Espace international du ka et des tambours.